Déclaration et plan d'action de Mugadir

Les représentantes et représentants de différentes régions de Tamazgha et de la diaspora amazighe réunis du 24 au 26 octobre 2025 à Tassurt-Mugadir (Essaouira, Maroc), dans le cadre du 9ème congrès du CMA, ont analysé les situations qui prévalent dans les différents pays et en ont tiré les constats suivants :

 

Les gouvernements qui dirigent les pays de Tamazgha, pratiquent tous une politique de marginalisation socioéconomique du peuple amazigh, le pillage de ses ressources, la spoliation et l’accaparement de ses terres et territoires. Les Amazighs subissent le racisme et les discriminations dans tous les domaines. Ils sont traités comme des citoyens de seconde zone. Toute revendication des droits et même toute expression libre est réprimée avec une sévérité totalement injustifiée et disproportionnée. Dans tous les pays de Tamazgha, les méthodes peuvent varier mais le but des Etats semblent être le même: éradiquer l’amazighité.

 

L’assemblée du CMA réunie à Mugadir tient à dénoncer tout particulièrement la prise en otage du peuple kabyle et la répression féroce et à huis clos menée par le pouvoir militaire algérien contre le peuple kabyle. L’assemblée du CMA rejette et dénonce fermement la criminalisation du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) ainsi que les condamnations arbitraires des militantes et militants politiques et des défenseurs des droits de l’homme Amazighs. L’assemblée du CMA exprime son total soutien à l’ancienne co-présidente du CMA, Kamira Nait Sid, victime de la dictature algérienne ainsi qu’à tous les Amazighs d’Algérie, particulièrement les peuples At-Mzab, Chawi et Kabyle.

 

Les congressistes expriment également leur total soutien au peuple Kel-Tamasheq de l’Azawad, dont les populations civiles notamment, subissent des massacres de la part de l’armée malienne appuyée par les mercenaires des groupes Wagner et Africa Corps, en toute impunité. Les conflits et les violences dans les territoires Kel-Tamasheq riches en ressources naturelles, sont sciemment entretenus depuis des décennies par des intérêts étrangers. Les congressistes se tiennent également aux côtés des Amazighs de Tunisie, ainsi que ceux de Libye et de Siwa qui continuent de subir la marginalisation et de graves discriminations. Le peuple canarien subit un processus génocidaire qui a commencé dès l’invasion de l’Archipel canarien par les Espagnols au 15ème siècle. Il se poursuit aujourd’hui sous différentes formes comme l’occultation de la langue et la culture autochtones canariennes, l’immigration européenne massive et l’industrie touristique qui dégrade l’environnement et épuise les ressources naturelles de l’Archipel, sans aucun bénéfice pour le peuple canarien. Le CMA soutient le droit à l’autodétermination du peuple canarien.

 

Les Amazighs exigent des gouvernements du nord de l’Afrique :

-        La mise en œuvre complète, effective et sans délai du statut de langue officielle de Tamazight en Algérie et au Maroc,

-        La reconnaissance de Tamazight comme langue officielle dans tous les pays de Tamazgha où elle n’a pas encore ce statut,

-        La reconnaissance et le respect du droit à l’autodétermination des peuples Amazighs dans leurs territoires, conformément au droit international,

-        La reconnaissance des Amazighs comme peuple autochtone des pays de Tamazgha,

-        La reconnaissance et le respect de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,

-        La mise en œuvre effective des recommandations des Nations Unies en matière de Droits de l’Homme et des peuples,

-        Le respect et la mise en œuvre effective des conventions et pactes internationaux ratifiés par les Etats,

-        L’arrêt immédiat des expropriations des Amazighs et l’accaparement de leurs terres ancestrales et la restitution des terres déjà spoliées et accaparées,

-        L’abolition de toutes les lois et les mesures qui ont permettent la spoliation et l’accaparement des terres et des ressources naturelles des Amazighs,

-        La participation pleine et entière des communautés amazighes autochtones dans tous les processus de prises de décisions qui les concernent, conformément au principe du consentement préalable, libre et éclairé consacré par le droit international,

-        La libération immédiate de tous les détenus politiques Amazighs en Algérie et au Maroc, leur indemnisation équitable pour les préjudices matériels et moraux qu’ils ont subis,

-        La mise en place de poursuites judiciaires contre les responsables et les auteurs des graves violations des droits de l’homme dans nos pays,

-        La reconnaissance et le respect de l’égalité entre les hommes et les femmes et l’encouragement des femmes et des jeunes à la participation aux activités du CMA et à la vie publique locale,

-        L’abolition de la peine de mort dans tous les pays,

-        L’ouverture sans délai de toutes les frontières des Etats, la suppression des visas et la garantie de la liberté totale de circulation dans l’espace nord-africain.

 

Les Amazighs recommandent instamment aux instances africaines et des Nations Unies :

-        D’éxiger des Etats le respect de leurs obligations découlant de la mise en œuvre des déclarations, des principes, des conventions et des pactes internationaux adoptés,

-        De mettre en place un mécanisme contraignant de suivi des conclusions et des recommandations des organes des Traités de l’ONU,

-        De mettre en place des mécanismes et des mesures efficaces de lutte contre l’impunité,

-        D’accepter les invitations adressées par les institutions et organisations amazighes, aux différentes procédures spéciales de l’UA et de l’ONU.

 

Aux organisations amazighes :

-        Organiser des mobilisations populaires pour défendre et promouvoir les droits des Amazighs,

-        Assurer le suivi sur le terrain, des recommandations faites par les organisations amazighes et par les instances internationales,

-        Faire appel de manière systématique au droit international, notamment dans les actes de protestation et de plaidoyer,

-        Solliciter davantage le Congrès Mondial Amazigh, afin de mobiliser son expertise pour aider les personnes et les communautés amazighes, notamment pour tout ce qui fait référence au droit international,

-        Exprimer publiquement et de manière systématique la solidarité avec toutes les victimes amazighes,

-        S’assurer que les communautés amazighes sont associées de manière effective à la gestion de leurs ressources naturelles et de leurs territoires et à leurs plans de développement,

-        Veiller à ce que les entreprises publiques et privées qui investissent dans les territoires amazighs, respectent les droits des populations amazighes et ne dégradent pas leur environnement et ne portent pas atteinte à leur santé et à leur bien-être.

 

Tassurt-Mugadir, Essaouira, Maroc

 

14.10.2025 – 26.10.2025