Maroc: le "plan" du gouvernement marocain pour Tamazight

Le « plan » gouvernemental marocain pour Tamazight : de la poudre aux yeux

 

Chef du gouvernement marocain depuis le 10 septembre 2021, Aziz Akhennouch était très attendu par les Amazighs du Maroc afin qu’il réponde à leurs aspirations particulièrement contrariées par un gouvernement islamiste au cours de la dernière décennie.

 

Près d’une année et demie après son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement dévoile son « plan » en faveur de Tamazight mais celui-ci s’avère quasiment vide, sans aucune ambition, laissant perdurer les graves discriminations dont est victime la langue et la culture autochtones de ce pays.

 

Tamazight a accédé au statut de langue officielle en 2011, mais plus de douze ans après, ce statut est resté au stade formel, sans concrétisation effective. La loi organique de mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe adoptée en 2019, n’a pas été appliquée à ce jour. En conséquence, en violation de la loi, Tamazight est exclue des documents d’identité (carte d’identité, passeport, etc), de l’administration, de la justice, etc. Tamazight est également largement marginalisée dans l’enseignement public puisqu’elle n’a pas encore accédé au cycle d’études secondaires et même dans le cycle primaire elle n’est pas enseignée dans toutes les écoles.

 

Le nouveau gouvernement avait prévu un budget de 200 millions de Dirhams (20 millions d’Euros) pour la promotion de Tamazight en 2022. Outre le fait que cette somme est une goutte d’eau dans un désert, on ne sait même pas si elle a été dépensée, ni dans quels projets ? Sans bilan critique concernant l’emploi du budget de 2022, le gouvernement prévoit 300 millions de Dirhams (30 millions d’Euros) pour 2023. Une miette ridicule comparée aux 400 milliards de Dirhams au profit de la langue arabe et de la politique d’arabisation. Ces chiffres montrent clairement la volonté du gouvernement marocain de maintenir Tamazight dans la marge, jusqu’à son effacement.

 

On nous présente comme une avancée le fait que désormais, une loi prévoit que l’accès à la nationalité marocaine est conditionné par l’obligation de maitriser la langue arabe ou amazighe, pour faire croire que les deux langues officielles du pays sont traitées à égalité. Mais l’égalité n’est que dans les apparences car dans les faits, qui osera opter pour Tamazight, une langue reléguée, qui ne bénéficie d’aucune considération effective de la part de l’État ? De plus, comme il n’existe aucune structure publique d’apprentissage de la langue amazighe pour les étrangers, et qu’il en existe un grand nombre pour apprendre l’arabe, les postulant-es à la nationalité marocaine apprendront la seule langue officielle disponible, l’arabe. Encore une loi en trompe l’oeil et encore une discrimination de la langue amazighe par rapport à la langue arabe.

 

Le réflexe arabiste et anti-amazigh est omniprésent et il impose toujours l’exclusion de Tamazight. Comme par exemple au Parlement où la langue amazighe n’est pas admise, lorsque le caractère amazigh Tifinagh n’est pas accepté sur les nouveaux billets de banque et lorsque le bus qui a fait parader à Rabat les joueurs de l’équipe marocaine de football de retour de la coupe du monde, était peint aux seules couleurs de l’arabité. On peut citer des milliers de cas similaires où Tamazight demeure exclue bien que langue officielle dans ce pays.

 

Mais la question amazighe ne se limite pas à la langue. L’histoire et la civilisation amazighes au Maroc sont toujours occultées ou falsifiées tandis que la culture arabo-musulmane est glorifiée, favorisant ainsi le processus de dépersonnalisation des Amazighs. Par ailleurs, les Amazighs habitant les territoires ruraux et de montagne demeurent parmi les populations les plus pauvres du pays du fait de la marginalisation socioéconomique dont ils sont victimes depuis la période coloniale française. Plus grave encore, ils sont dépossédés de leurs terres collectives et de leurs ressources naturelles. Les communautés autochtones amazighes se révoltent régulièrement contre les spoliations, comme cela a été le cas au mois de novembre dernier lorsque le gouverneur de Khenifra a procédé à la distribution des terres collectives de la tribu des Ait-Sgougou (Moyen-Atlas) à des investisseurs privés.

 

Afin de faire taire toute contestation, le gouvernement marocain tente d’étouffer le mouvement amazigh en le privant des aides publiques auxquelles il a droit et en soutenant puissamment les organisations qui promeuvent l’idéologie arabonationaliste sous couvert de « Tameghrabit », la marocanité. Ce n’est qu’une manière de tenter de dissoudre l’amazighité, de poursuivre l’assimilation forcée des Amazighs et d’accélérer le processus de la disparition de leur identité en tant que peuple et civilisation autochtones du Maroc et de tout le nord de l’Afrique.

 

Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) dénonce les entraves à l’accès des Amazighs à leurs droits historiques et exige du gouvernement marocain un véritable et vaste plan de rattrapage en faveur de la promotion de Tamazight et du développement des territoires amazighs. L’État marocain doit également cesser les discriminations à l’encontre des Amazighs et mettre fin aux spoliations de leurs terres et ressources naturelles. Le CMA demande instamment aux plus hautes autorités marocaines de libérer sans délai Nasser Zefzafi et ses compagnons injustement emprisonnés depuis 2017. Leur procès a démontré que leur condamnation obéit à des motifs politiques et non juridiques. Leur détention est donc totalement arbitraire et de ce fait, elle doit cesser immédiatement. L’État marocain devra également réparer les préjudices matériels et moraux qu’ils ont subis.

 

Paris, 2/03/2973 – 14/03/2023

 

Le Bureau du CMA