Algérie : la haine anti-kabyle frappe encore et toujours

L'injustice raciale implacable en Algérie

 

Poursuivant son acharnement contre la Kabylie et les Kabyles, hommes et femmes, militants politiques, défenseurs des droits de l’homme, membres d’organisations de la société civile, journalistes, écrivains, artistes, étudiants et simples citoyens de toutes conditions, le régime algérien a encore actionné son bras judiciaire pour punir gratuitement des personnes innocentes et terroriser tout un peuple.

Le 7 mars 2023, le tribunal de Dar-El-Beida à Alger a condamné Bouaziz Ait-Chebib à 6 ans de prison ferme et 100.000 Dinars d’amende, Lounes Hamzi à 5 ans, Farid Ahmed Said à 3 ans et 50.000 Dinars d’amende, Kamira Nait Sid à 2 ans et 50.000 Dinars d’amende. Ferhat Mehenni, Hanafi Ferhouh, Abderrahmane Merzoug, Slimane Kadi et Jughurta Louerguioui ont été condamnés à perpétuité. Jughurta Louerguioui a été jugé et condamné alors qu’il est décédé au mois de décembre dernier.

 

Tous étaient poursuivis avec l’accusation fourre-tout d’« atteinte à l’unité nationale » et pour leurs liens présumés avec le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), un mouvement politique né en 2001 en Kabylie, qui a toujours agit de manière pacifique et dont les activités étaient tolérées par les autorités algériennes jusqu’en 2020. En mai 2021, le gouvernement a subitement décidé de classer le MAK comme « organisation terroriste » et a utilisé ce prétexte pour mettre en place une vaste et brutale opération de chasse non seulement aux membres et sympathisants du MAK mais aussi à tous les Kabyles qui défendent leurs droits notamment socioculturels ou qui ne manifestent pas leur adhésion à la politique gouvernementale.

 

Le 1er mars 2023, un autre procès s’est déroulé au tribunal criminel d’Oran (ouest de l’Algérie) concernant un autre groupe de Kabyles, comprenant Mme Mira Moknache, universitaire ayant déjà été condamnée par un tribunal d’Alger en novembre 2022 pour les mêmes motifs fallacieux, imaginés par la police algérienne : « atteinte à l’unité nationale et appartenance à un groupe terroriste ». A l’issue du procès, Lyes Bouhada et Bilal Khamadj ont été condamnés à 7 ans de prison ferme, Kamel Behri, Idir Mehdi, Toufik Fortas, Koceila Ramtani et Mustapha Akkouche, condamnés à 05 ans de prison ferme, Riad Hamchache, Nabil Moussaoui, Bilel Hamitouche et Mira Moknache, condamnés à 3 ans de prison ferme.

 

Bouaziz Ait-Chebib, Lounes Hamzi, Kamira Nait Sid, Mira Moknache et un certain nombre d’autres prévenus ayant déjà été jugés pour les mêmes motifs et pour certains acquittés en novembre et décembre 2022, ils n’auraient jamais dû connaître un deuxième procès. Le droit interdit de juger et de condamner deux fois pour les mêmes faits (« aucune personne acquittée légalement ne peut être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une autre qualification », article 6 du code de procédure pénale et  « nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné », article 14-7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques »).

 

Durant leurs plaidoiries, les avocats de la défense ont relevé de nombreuses irrégularités comme l’absence de preuves matérielles, les violations des procédures de justice, les violations des lois nationales et des conventions internationales, les accusations sans base légale et l’interdiction de s’exprimer durant les audiences en langue amazighe pourtant langue officielle en Algérie. Concernant Kamira Nait Sid, co-présidente du Congrès Mondial Amazigh, le juge n’a tenu aucunement compte ni de sa plainte contre son enlèvement le 24 août 2021 et sa séquestration par la police algérienne pendant 7 jours, ni de la décision de l’ONU qui a qualifié sa détention d’arbitraire et a demandé sa libération (1/04/2022). En revanche, le juge lui a reproché sa présence à la visioconférence de Ferhat Mehenni à l’université de Tizi-Wezzu en 2019, en compagnie de 800 autres personnes. Cela n’est qu’un exemple du caractère farfelu des accusations et de la vacuité du dossier accusateur. Il apparait donc clairement que les juges ne tiennent pas compte du droit mais appliquent une feuille de route dictée par le pouvoir militaire algérien qui veut punir la Kabylie pour sa résistance à son système raciste et dictatorial.

 

Aujourd’hui, la Kabylie est sous surveillance, baillonée, violentée, terrorisée. L’arbitraire est tel que n’importe qui peut s’attendre à être brutalement arrêté dans la rue, sur son lieu de travail ou à son domicile. Des centaines de Kabyles sont en prison, d’autres sont menacés, d’autres sont sous contrôle judiciaire ou d’autres formes de contrôle et d’autres encore sont interdits de sortie d’Algérie, hors de toute procédure de justice. Les Kabyles de la diaspora ne peuvent pas rentrer dans leur pays de peur d’être arrêtés dès leur arrivée à l’aéroport. Les uns sont condamnés à l’intérieur, les autres sont condamnés à l’extérieur, arbitrairement.

 

En cette date du 8 mars 2023, journée internationale pour les droits des femmes, le Congrès Mondial Amazigh rend un vibrant hommage à sa co-présidente Kamira Nait Sid ainsi qu’à toutes les femmes résistantes et en lutte contre toutes les forme de tyrannie et défenseures des droits et des libertés. Elles sont notre honneur et notre fierté. Le CMA est extrêmement indigné par les souffrances qui leur sont infligées ainsi qu’à leurs familles. Le CMA appelle chacune et chacun à les entourer de toute sa solidarité et de son affection. Le CMA partage le désarroi et l’indicible peine que vit Nna Nouara, la mère de Kamira Nait Sid, âgée de plus de 80 ans et malade. Cela fait près de 18 mois qu’elle est trimballée de parloir de prison en tribunal pour voire sa fille. Nna Nouara a d’autant plus mal qu’elle sait que sa fille n’a fait aucun mal et que sa détention est absurde et hautement injuste. Elle espère seulement et nous espérons avec elle que Kamira ainsi que tous les autres détenus politiques retrouveront vite la liberté et qu’un jour, une vraie justice punira les acteurs et les responsables de cette tragédie.

 

Paris, 24/02/2023 – 8/03/2023

 

Le Bureau du CMA