L'injustice algérienne multirécidiviste

L’injustice algérienne multirécidiviste

 

Poursuivie pour huit chefs d’inculpation imaginaires, Kamira Nait Sid, coprésidente du Congrès Mondial Amazigh (CMA), a été condamnée lors d’un procès expéditif et inéquitable le 15 décembre 2022 par le Tribunal de Dar-El-Beida, près d’Alger.

L’examen du jugement fait apparaître que Kamira Nait Sid a été acquittée pour les cinq accusations suivantes :

1- appartenance et adhésion à une organisation terroriste, 2- apologie des actes terroristes et de sabotage, 3- usage des technologies de l’information et de la communication pour recruter et mobiliser des personnes pour le compte d’une association et groupe dont le but ou les activités tombe sous le coup des dispositions du code pénal, 4- complot ayant pour but de préparer l’exécution d’actes criminels visés à l’article 77 du code pénal, 5- réception de provenances étrangères de fonds de propagande dans le but d’attenter à la sécurité de l’Etat, la stabilité de ses institutions et leur fonctionnement.

 

Concernant les trois autres accusations, à savoir « diffusion préméditée de fausses informations et des nouvelles mensongères de nature à attenter à la sécurité et à l’ordre public, incitation à attroupement et délit relatif au racisme et au discours de haine », elle a été condamnée sans preuves, à cinq ans de prison ferme et 100.000 Dinars d’amende. Ses avocats ont aussitôt déposé un recours contre cette décision illégitime et inacceptable qui punit Kamira Nait Sid pour des délits qu’elle n’a pas commis. Nous étions donc dans l’attente de la date du procès en appel. Mais surprise, nous apprenons que la coprésidente du CMA est convoquée devant le juge le 1er mars prochain pour « un deuxième dossier » comprenant des chefs d’inculpation pour lesquels elle a été acquittée lors du procès du 15 décembre 2022, à savoir « attentat dans le but de porter atteinte à l’intégrité de territoire national » (article 77 du CP) et « direction et organisation d’un mouvement insurrectionnel » (article 90 du CP). Cela revient à rejuger Kamira Nait Sid pour des motifs déjà jugés et pour lesquels elle a été déclarée innocente. Or la loi algérienne (article 6 du code de procédure pénale) stipule qu’« aucune personne acquittée légalement ne peut être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une autre qualification » et la loi internationale (article 14-7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) précise que « nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné ». En conséquence, Mme Nait Sid n’a pas à être jugée dans le cadre de ce prétendu « deuxième dossier » imaginé comme le premier, dans les officines de la police politique algérienne. En Algérie, la police comme les juges violent le droit de leur propre pays et le droit international, en toute impunité. L’Algérie s’enfonce ainsi dans le totalitarisme le plus tyrannique.

 

Le CMA tient également à rappeler que le Groupe de Travail de l’ONU sur la détention arbitraire (GTDA) a déclaré le 1/04/2022 que « Kamira Nait Sid est privée de liberté pour des motifs discriminatoires, à savoir son origine nationale, ethnique ou sociale et sa qualité de défenseuse des droits humains, en violation des articles 2 et 7 de la DUDH et des articles 2 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ». En conséquence, « aucun procès concernant Mme Nait Sid ne devrait avoir lieu », a estimé le GTDA. Il a enjoint au gouvernement algérien « de procéder immédiatement et sans condition à la libération de Mme Nait Sid, arbitrairement privée de liberté depuis le 24 août 2021 ». La décision complète du Groupe de Travail sur la détention arbitraire concernant Kamira Nait Sid est consultable sur : https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/issues/detention-wg/opinions/session93/2022-10-10/A-HRC-WGAD-2022-15-AdvanceEditedVersion.pdf 

 

Une nouvelle fois le CMA appelle les instances régionales et mondiales à assumer leurs responsabilités juridiques et morales en exigeant de l’Algérie qu’elle respecte l’état de droit et ses obligations internationales en matière de droits de l’homme et des peuples.

 

Paris, 18/01/2973 – 30/01/2023

Le Bureau du CMA.