Maroc: la politique anti-amazigh se poursuit

Après presque une année de fonctionnement du nouveau gouvernement, il est légitime de s’interroger sur les mesures qu’il aurait prises pour répondre aux attentes pressantes des Amazighs.

 

 

 

Le constat global est que, en dehors de promesses sans agenda, aucune mesure significative n’a été prise en faveur de la reconnaissance et du respect des droits des Amazighs. Même le geste symbolique attendu de reconnaissance officielle de Yennayer, le Jour de l’An amazigh, comme journée de fête nationale n’a pas été fait. Tamazight bénéficie du soutien gouvernemental uniquement dans sa version folklorisante et présentée comme une sous-culture de la culture arabe.

 

La loi scélérate 04.20 de 2020 relative à la nouvelle carte nationale d’identité électronique qui exclut Tamazight n’a à ce jour, pas été abolie. Pourtant, elle viole clairement la Constitution et la loi organique n° 26-16 du 12/09/2019 et notamment son article 21 qui stipule que «seront inscrits en langue amazighe, à côté de la langue arabe, les renseignements contenus dans les documents officiels suivants : la carte nationale d’identité, le passeport, le permis de conduire, les cartes de résidence des étrangers établis au Maroc, les différentes cartes personnelles et attestations délivrées par l’administration». Autrement dit, le gouvernement entérine la violation des lois marocaines et maintient le grave racisme d’État contre Tamazight.

 

En janvier 2022, le chef du gouvernement annonce comme une grande nouvelle un budget de 200 millions de Dirhams (environ 20 millions d’Euros) pour financer un plan de mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe, mais ce budget est insignifiant comparé aux nombreux chantiers qui attendent d’être réalisés (enseignement, justice, administration, culture, médias, plan de rattrapage de développement pour les territoires amazighs marginalisés, etc). De fait, ce budget ne représente que 0,04% du budget de l’Etat dont la grande majorité est destinée à la promotion de la culture arabe et au développement du «Maroc utile», celui de la façade atlantique et des grandes villes arabes.

 

Anecdote significative, le 14 juillet dernier, le chef du gouvernement M. Akhenouch, écrit dans un tweet au sujet de l’équipe marocaine féminine de football qui s’est qualifiée pour la phase finale de la prochaine coupe du monde, que «c’est la première sélection arabe qui se qualifie pour la coupe du monde». En qualifiant d’«arabe» cette équipe marocaine, M. Akhenouch montre une fois de plus que lui-même et son gouvernement, comme les précédents, défendent des intérêts étrangers, tout en ignorant et même en combattant la culture autochtone de ce pays. Cette attitude méprisante envers les Amazighs est porteuse de graves dangers pour le pays. Dès lors, pourquoi ce gouvernement serait-il légitime pour diriger le pays?

 

La politique anti-amazighe au Maroc a été accompagnée ces dernières années par l’émergence d’un nouveau courant d’idée pseudo-nationaliste, qui promeut la «marocanité» ou «tameghrabit», érigée en idéologie qui vise tout simplement à noyer l’amazighité, terre, histoire, civilisation, langue et culture autochtones de ce pays, dans l’arabisme triomphant. C’est une nouvelle stratégie qui vise à occulter et à bafouer les droits des Amazighs en tant que peuple autochtone du Maroc et des autres pays de Tamazgha et à poursuivre les spoliations notamment de leurs terres collectives ancestrales et de leurs richesses.

 

Et pour toutes les voix discordantes, notamment celles du mouvement amazigh, le makhzen ne leur propose rien d’autre que l’asservissement en les intégrant dans «le système» avec des promotions individuelles ou la marginalisation sociale. Ce processus de domestication du mouvement amazigh et de la société civile en général marque une nette régression démocratique et le recul des droits fondamentaux des Amazighs, tels qu’ils sont internationalement consacrés notamment dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

 

Avec le peuple Rifain, le CMA célèbre le 101ème anniversaire de l’éclatante victoire des hommes de Abdelkrim El-Khattabi sur les forces coloniales espagnoles lors de la bataille d’Anwal le 21 juillet 1921. Les Rifains fondent alors la République du Rif, premier Etat amazigh moderne. Il a fallu l’alliance des trois armées française, espagnole et marocaine et le recours à la guerre chimique pour mettre en échec le jeune Etat Rifain en 1926. Pour le CMA, cela est aussi l’occasion de dénoncer fermement l’injuste maintien en détention de citoyens Rifains, lourdement condamnés en raison de leur attachement à l’esprit de résistance et de liberté que leur ont légué leurs illustres ancêtres. Nous exigeons une nouvelle fois leur libération immédiate.

 

Le Congrès Mondial Amazigh (CMA), organisation internationale qui fédère les Amazighs par delà les frontières coloniales et qui porte leur voix sur la scène internationale, n’est pas épargné par cette politique de casse du mouvement amazigh. Le CMA met en garde contre toute tentative d’instrumentalisation qui le viserait et réaffirme fermement son attachement infaillible à son indépendance, à son intégrité morale et à sa mission de protection et de promotion des droits des Amazighs, dans tous les pays où ils vivent.

 

Le CMA appelle tous les acteurs amazighs, individus et collectifs qui refusent le déni de Tamazight et qui souhaitent agir rapidement et en Hommes Libres, à se rassembler et à unir leurs forces afin de contrecarrer le plan anti-amazigh au Maroc et à imposer le respect plein et entier de l’amazighité de ce pays dans toutes ses dimensions.

 

Paris, 18/07/2972 – 30/07/2022

 

Le Bureau du CMA