Kabylie, lettre de la Commission Africaine au chef de l'Etat algérien

La Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples et le Commissaire rapporteur sur la situation des droits de l’homme en Algérie, adressent une sévère lettre au gouvernement algérien au sujet des violations des droits humains, notamment en Kabylie

 

 

 

La 69ème session de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples (15/11-5/12/2021) a révélé qu’une lettre d’appel conjointe sur la situation des droits humains des Amazighs en Algérie a été adressée par la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples et le Commissaire Rapporteur sur la situation des droits de l’homme en Algérie, à Monsieur Abdelmadjid Tebboune, Président de la République algérienne.

Voir sur https://www.achpr.org/fr_sessions/intersession?id=377 

 

La lettre porte sur des allégations reçues par la Commission Africaine en mai, juin, juillet et août 2021. Celles-ci rapportent qu’en mai 2021, le gouvernement algérien avait classé comme «mouvements terroristes», un mouvement politique amazigh pour l’autodétermination de la Kabylie (qui existe depuis 20 ans) dans la région de Kabylie, et tous les mouvements politiques réclamant un statut d’autonomie pour la Kabylie. Des rapports allèguent que la police a arrêté les membres de ces mouvements et qu’au moins cent soixante (160) Kabyles sont actuellement emprisonnés sans procès.

 

Il est également allégué qu’au cours des mois de juin et juillet 2021, après que le gouvernement ait interdit aux communautés villageoises de Kabylie d’organiser leur propre auto-confinement et de contrôler l’entrée de personnes extérieures à leurs villages, le nombre de contaminations du variant Delta du Covid-19 a augmenté de manière considérable. L’absence de respirateurs dans les structures sanitaires et la production insuffisante d’oxygène auraient entraîné des milliers de décès, et l’administration algérienne des affaires étrangères aurait bloqué la livraison de respirateurs envoyés par la diaspora kabyle en Europe.

 

Il est en outre allégué que le 9 août 2021, les structures de la protection civile ont dénombré plus de soixante-dix (70) incendies dans les zones montagneuses densément peuplées et boisées de la Kabylie. Selon les rapports, ces incendies étaient mortels (de 140 à 250 morts) et dévastateurs (destruction de villages entiers, de cultures, de bétail, d’arbres fruitiers et de milliers d’hectares de forêts) car les moyens de lutte contre les flammes étaient dérisoires. Le gouvernement n’aurait ouvert aucune enquête pour retrouver les pyromanes.

 

Le 24 août 2021, Kamira Nait Sid, coprésidente du Congrès Mondial Amazigh, aurait été enlevée à son domicile à Tizi-Wezzu, dans la région de Kabylie, et sa famille n’aurait pas été informée. Selon les rapports, Kamira Nait Sid a été illégalement maintenue en détention pendant huit (8) jours, sans procès et sans contact avec le monde extérieur. Elle serait maintenue en détention provisoire dans l’attente de son procès, qui aura lieu à une date inconnue.

 

Dans la Lettre d’appel conjointe, le gouvernement algérien a été informé que si les allégations étaient exactes, le gouvernement algérien serait en violation de l’article 4 sur le droit à la vie, de l’article 6 sur le droit à la liberté et à la sécurité des personnes, et le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement, de l’article 7 sur le droit à un procès équitable, de l’article 9 sur le droit à l’information et le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions, de l’article 10 sur le droit à la liberté d’association, de l’article 14 sur le droit de propriété, de l’article 16 sur le droit à la santé, de l’article 19 sur le droit de tous les peuples à l’égalité et aux droits, et de l’article 20 sur le droit à l’autodétermination.

 

La Lettre d’appel conjointe demande instamment au gouvernement algérien, de fournir des éclaircissements à la Commission concernant les allégations mentionnées, de mener sans délai, des enquêtes rapides et impartiales sur les allégations et de tenir responsables les auteurs des incendies, de garantir des réparations complètes et effectives pour les préjudices subis par les victimes, pour la perte de propriété et de vie, d’assurer un procès équitable aux personnes détenues sans procès, de se conformer aux dispositions de l’Observation générale n° 3 sur le droit à la vie, notamment en ce qui concerne l’obligation de rendre des comptes et, d’une manière générale, de respecter la lettre et l’esprit de la Charte africaine, de l’Observation générale n° 3 sur le droit à la vie, ainsi que des autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Algérie est partie.

 

Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) qui a le statut de point focal pour la région Afrique du nord pour la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples, se réjouit de cette initiative courageuse de la Commission Africaine et du Commissaire rapporteur sur l’Algérie. Le gouvernement algérien est sévèrement rappelé à l’ordre concernant les tragédies qu’il a fait subir et qu’il continue de faire subir à la Kabylie. Selon le règlement de la Commission Africaine, le gouvernement algérien est tenu de répondre impérativement à cette lettre et aux graves allégations qui y sont mentionnées.

 

Le Congrès Mondial Amazigh qui est l’auteur du rapport adressé à la Commission Africaine, sera particulièrement vigilant sur le suivi de ce dossier auprès de la Commission Africaine.

 

Parallèlement, le CMA a adressé un rapport similaire aux instances de l’ONU et de l’UE liée à l’Algérie par un accord d’association.

 

Paris, 18/11/2971 – 30/11/2021

 

Le Bureau du CMA