Algérie

Non à l’instrumentalisation de la liberté des détenus politiques Kabyles

 

Sans aucun respect pour les droits humains, sans jamais essayer de comprendre et de répondre de bonne foi aux revendications légitimes des Amazighs d’Algérie et des Kabyles en particulier, usant de toutes les formes de discrimination et de violences, le régime militaire à façade civile algérien et son appareil répressif, ont jeté en prison, torturé et poussé à la clandestinité ou à l’exil, des centaines de personnes ces dernières années.

 

Parmi elles, cinq responsables de mouvements politiques et de la société civile kabyles, Ait-Chebib Bouaziz, Amar-Khodja Bélaid, Azem Hocine, Becha Boussad et Boumedine Hamou, ont été arrêtés à la fin du mois de juin dernier et incarcérés à la prison de Tizi-Wezzu en Kabylie, au motif notamment d’«atteinte à l’unité nationale». De fait, en Algérie, tout individu qui exprime une position politique différente de celle du gouvernement ou qui ne s’identifie pas comme «arabe et musulman» peut être accusé de porter atteinte à l’unité nationale. Autrement dit, tous les Amazighs de ce pays sont susceptibles d’être poursuivis en justice. Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) dénonce vigoureusement cette absurdité qui va à l’encontre des principes démocratiques et des instruments internationaux des droits humains ratifiés par l’Algérie.

 

D’après l’avocat des cinq détenus, ils auraient rendu publique le 24 juillet dernier, une déclaration dans laquelle ils dénoncent leur « détention arbitraire qui viole les principes fondamentaux du droit ». Convaincus que leur détention est abusive, le CMA mais aussi d’autres organisations politiques et de la société civile ainsi que des milliers de citoyens en Kabylie et à l’étranger, leur ont à maintes reprises exprimé leur solidarité et leur soutien.

 

En relation avec les propos favorables au droit à l’autodétermination de la Kabylie tenus récemment par l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, les cinq personnes détenues à la prison de Tizi-Wezzu auraient exprimé dans cette même déclaration leur condamnation des « déclarations d'officiels marocains qui tentent d'instrumentaliser la Kabylie, son histoire, ses luttes, ses militants et ses détenus dans des rééquilibrages géopolitiques qui ne les concernent pas ».

 

Compte tenu des circonstances actuelles marquées notamment par l’intensification de la répression à l’encontre de toute personne contestataire de la dictature militaire algérienne, le Congrès Mondial Amazigh, déclare :

 

- Aucune crédibilité ne peut être accordée à cette « déclaration » dont nous n’avons aucune certitude qu’elle provienne effectivement des cinq personnes citées. De plus, comme ces personnes sont privées de liberté, qu’elles vivent dans un cadre carcéral et sous l’effet de diverses pressions, menaces et intimidations, comment pourraient-elles s’exprimer librement ? En conséquence, le CMA considère cette « déclaration » comme nulle et non avenue et exige une nouvelle fois la libération immédiate et inconditionnelle de ces cinq détenus ainsi que tous les autres détenus politiques et d’opinion.

 

- Cette « déclaration » semble téléguidée par le pouvoir algérien affolé par le moindre soutien extérieur au droit à l’autodétermination de la Kabylie, pourtant légal et légitime au regard du droit international. Ce pouvoir a même essayé de manipuler la Kabylie entière en prévoyant d’y organiser le 23 juillet dernier, de grandes manifestations anti-marocaines en même temps que les manifestations populaires habituelles du vendredi, contre les violations des droits de l’homme et contre le déni de démocratie et pour l’état de droit. Au vu de la situation sanitaire alarmante due à la recrudescence de la pandémie du covid-19, le bon sens kabyle a finalement évité le pire puisque les manifestations prévues ont été annulées.

 

- Quels que soient les déboires diplomatiques du régime militaire algérien et ses luttes internes pour le partage du pouvoir et des revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles du pays, les Amazighs opprimés depuis « l’indépendance » de ce pays en 1962, ne peuvent plus jamais servir de bouée de sauvetage pour ce régime. En refusant de prendre part de manière unanime aux scrutins algériens depuis deux ans, la Kabylie a clairement exprimé son refus de cautionner ce régime illégitime, oppresseur et anti-démocratique. La Kabylie, territoire et peuple singuliers, aspire seulement à vivre dans la paix et le respect de son identité et de ses droits individuels et collectifs.

 

- En aucun cas la Kabylie ne saurait être concernée par les querelles permanentes du régime militaire algérien avec les pays voisins et il est illusoire d’essayer de l’impliquer dans les aventures belliqueuses des généraux algériens. Le CMA appelle instamment le gouvernement algérien à faire la paix et à parler de coopération avec ses voisins, en commençant par rouvrir la frontière terrestre avec le Maroc, fermée depuis 27 ans !

 

- Dans le même sens, celui de l’amitié entre les peuples, le CMA invite vivement une nouvelle fois le gouvernement algérien à ouvrir un dialogue sincère et constructif avec les représentants légitimes de la Kabylie, désignés démocratiquement par les Kabyles eux-mêmes, sur la base du droit international, y compris le droit à l’autodétermination.

 

- Le CMA rappelle opportunément que la récente session du Mécanisme d’experts de l’ONU sur les droits des peuples autochtones (12-16 juillet 2021) était consacrée justement au thème du droit à l’autodétermination. A l’issue de ses travaux, le Mécanisme d’experts a notamment réaffirmé qu’en tant que « peuples égaux à tous les autres peuples, les peuples autochtones doivent jouir de tous les droits humains individuels et collectifs, y compris le droit à l’autodétermination » et que « le droit à l’autodétermination est un droit crucial parce qu’il conditionne la jouissance de tous les autres droits ». Autrement dit, « sans le droit à l’autodétermination, les autres droits consignés dans les principaux instruments internationaux des droits de l’homme et des peuples ne peuvent être pleinement réalisés ». En conséquence, l’Algérie qui a ratifié ces instruments juridiques internationaux, a pour obligation de les appliquer sans tarder au lieu de les occulter et de criminaliser leurs défenseurs et leurs promoteurs.

 

Par ailleurs, au moment où la Kabylie vit une crise sanitaire sans précédent due à la propagation du nouveau variant du coronavirus, le CMA dénonce le fait que le gouvernement algérien abandonne la Kabylie et ses malades, où les hôpitaux et les centres de santé sont débordés et manquent de tout, y compris de l’oxygène. Le CMA recommande aux Kabyles et à tous les Amazighs d’activer leurs pratiques autochtones en matière d’entraide, d’auto-gouvernance locale mais aussi de médecine traditionnelle.

 

Le CMA met en garde le gouvernement algérien contre non seulement les conséquences de ses dérives autoritaires mais aussi pour sa non assistance aux personnes en danger de mort du covid-19. Les juridictions internationales pertinentes ne manqueront pas d’être saisies.

 

Malgré ses immenses et diverses richesses, l’Algérie continue de se classer parmi les derniers pays au monde en matière de conditions de vie. Avec le même type de gouvernance fondé sur la force militaire illégitime, brutale et corrompue, l’Algérie n’est pas prête de se hisser un jour au niveau des standards mondiaux en matière de progrès humain. Dans ces conditions, le droit des Amazighs d’exercer le pouvoir de décider sur toutes les questions qui les concernent et de prendre leur destin en main, est la voie qui leur garantirait leur survie.

 

Paris, 16/07/2971 – 28/07/2021

 

Le Bureau du CMA