Le CMA à la 13ème session du Mécanisme d'experts de l'ONU sur les droits des peuples autochtones

Séance du 30/11 consacrée à l’Afrique et à l’Amérique du nord

 

Intervention présentée par Khalid Zerrari au nom du Congrès Mondial Amazigh

 

Mme La Présidente,

Chers sœurs et frères autochtones,

Mmes, Mrs

Comme d’autres Peuples Autochtones dans le monde, pour les Amazighs vivant dans tous les pays du nord de l’Afrique, les discriminations, la marginalisation, les spoliations de nos terres et ressources, et les violations des droits de l’homme se sont aggravées pendant la période de la pandémie du coronavirus. Sous le prétexte du covid-19, les gouvernements ont effacé d’un trait les maigres acquis obtenus notamment dans le domaine de la reconnaissance de la langue amazighe après de longues années de luttes et de sacrifices des Amazighs.

 

Malgré nos appels demandant aux gouvernements d’entendre les recommandations de tous les mécanismes de l’ONU et de l’OMS concernant les mesures spécifiques à prendre aux fins de protéger les populations et communautés autochtones, pratiquement aucune de ces recommandations n’a été mise en œuvre par les gouvernements. Au contraire, les gouvernements ont mobilisé un grand nombre de policiers et de gendarmes armés pour empêcher les opérations traditionnelles des Amazighs, comme « Tada » et « Tiwizi », qui sont des actions de mobilisation, d’entraide et d’auto-organisation traditionnelles.

 

Au Maroc,

Profitant de la pandémie du coronavirus, le gouvernement marocain a poursuivi l’accaparement illégal des terres collectives des autochtones Amazighs. Les aides sociales prévues pour les populations les plus pauvres du pays n’ont pas bénéficié aux populations autochtones vivant dans les zones rurales et de montagne. Le gouvernement a pris des mesures de restriction qui ont conduit à supprimer 90% des enseignements de langue amazighe et a fait voter la loi n 04.20 concernant la nouvelle carte nationale d’identité qui sera écrite uniquement en langues arabe et français, excluant la langue amazighe pourtant langue officielle au Maroc depuis 2011. Cette nouvelle loi contredit la Constitution ainsi que la loi organique n 26.16 adoptée en 2019 qui stipule que tous les documents officiels doivent être écrits dans les deux langues officielles du Maroc, l’arabe et Tamazight. Le gouvernement marocain montre une nouvelle fois qu’il méprise le peuple autochtone amazigh.

 

En Algérie,

Les autorités algériennes ont arrêté Kamel Edine Fekhar, un défenseur des droits du peuple amazigh At-Mzab en mars 2019 et il est mort en détention 2 mois plus tard suite aux mauvais traitements qui lui ont été infligés en prison. En juin de la même année, le drapeau amazigh a été interdit et les porteurs de ce drapeau ont été systématiquement arrêtés et condamnés. Ces derniers mois, les autorités algériennes ont multiplié les arrestations des défenseurs des droits des Amazighs, particulièrement en Kabylie et dans la région de l’Aurès. Les réunions, les conférences, même à distance ont été interdites ou empêchées, notamment celles organisées par le Congrès Mondial Amazigh. Pendant la période de la pandémie, les autorités algériennes ont interdit et empêché les représentants des organisations villageoises traditionnelles de Kabylie, de mettre en place le confinement, d’informer les populations, d’organiser l’entraide, de contrôler l’accès aux territoires de leurs communautés, etc. Les autorités algériennes ont interdit la pratique de la solidarité entre communautés autochtones et les gendarmes algériens ont menacé les responsables des organisations traditionnelles et leurs bénévoles de poursuites judiciaires pour « actions de déstabilisation de l’Etat » et « atteinte à l’unité nationale ». Des menaces d’une haute gravité et totalement injustifiées. Leur but est clairement d’intimider et de casser les structures autochtones autonomes qui fonctionnent encore et qui échappent au contrôle de l’Etat.

 

En Libye,

La pandémie du coronavirus n’a pas amené les parties en guerre à observer une trève comme le leur a demandé le SG de l’ONU. Les premières victimes de cette guerre sont les populations civiles parmi lesquelles, les Amazighs de l’Adrar Nefussa et de Zwara. Au sud, les populations Kel-Tamasheq vivent dans le plus grand dénuement social et sanitaire. Pourtant leur territoire traditionnel du Fezzan est riche en ressources naturelles dont le pétrole mais celui-ci est exploité par des milices du nord, sans rien concéder aux populations autochtones, à part la pollution. De plus, environ 15000 familles Kel-Tamasheq de cette région sont privées depuis des décennies, de documents d’identité, ce qui leur interdit l’accès aux services publics comme l’école et les services de santé notamment. Il est également très important de signaler et de dénoncer l’exclusion des Amazighs de Libye des discussions inter-libyennes entamées ces derniers mois sur la question de l’avenir de la Libye.

 

En Tunisie,

Aucune mesure spécifique n’a été prise pour protéger les populations amazighes. Au contraire, c’est pendant cette pandémie que les coupures d’eau ont été les plus fréquentes notamment dans les territoires du sud habités par les Amazighs. Dans ce pays également, l’information sur la pandémie du covid-19 et les mesures à mettre en œuvre pour combattre le coronavirus n’ont pas été traduits et diffusés en langue amazighe.

 

Dans les territoires Kel-Tamasheq (Touaregs),

Les conditions de vie dans les territoires Kel-Tamasheq du Niger, du Mali, de Mauritanie et du Burkina Faso restent lourdement impactées par les changements climatiques et l’insécurité dûe à la présence de groupes islamistes armés, malgré le déploiement de plusieurs forces militaires étrangères. Nous nous posons d’ailleurs la question de savoir si cette militarisation sert la paix ou l’entretien de la guerre qui permet de justifier la présence des armées étrangères qui de fait, servent à s’assurer le contrôle des ressources minières des autochtones Kel-Tamasheq.

 

En conclusion, en cette période particulièrement difficile, nous demandons plus que jamais à tous les organes de l’onu de prendre des mesures concrètes et efficaces pour obliger les Etats à respecter leurs engagements et leurs obligations en matière de respect de nos droits en tant que peuple autochtone du nord de l’Afrique.

 

Je vous remercie.

Khalid Zerrari

 

Web : www.congres-mondial-amazigh.org

Email: congres.mondial.amazigh@wanadoo.fr