Réforme constitutionnelle en Algérie, une démocratie en trompe l’œil
En pleine période de recrudescence de la pandémie du coronavirus le gouvernement algérien a décidé de faire adopter par référendum le 1er novembre prochain, une n-ème réforme de la Constitution. Dans un état de droit, cela pourrait constituer une initiative positive car il est utile et même nécessaire d’adapter la législation du pays aux mutations sociétales.
Mais en Algérie, ce référendum a été voulu par le chef de l’Etat seul, parce que ayant été très mal « élu » en décembre 2019, avec un historique zéro vote en Kabylie, il tenait absolument à se réhabiliter et à tenter d’acquérir la légitimité populaire qui lui fait défaut.
Cette consultation du corps électoral est donc menée à marche forcée et accélérée, sans qu’aucune voix critique ou discordante ne soit autorisée à s’exprimer. Au contraire, les autorités algériennes ont lancé ces derniers mois une vaste opération d’arrestations arbitraires, notamment des Amazighs.
Hormis le maintien du statut de langue nationale et officielle pour Tamazight (la langue amazighe) et son intégration dans les « constantes nationales », les droits fondamentaux des Amazighs et leur identité autochtone n’ont bénéficié d’aucune avancée dans ce nouveau texte constitutionnel. En revanche, la langue arabe et la religion islamique demeurent largement privilégiées et confortées.
Mais au-delà de ce texte et de tout ce qu’il prétend accorder et protéger comme droits, la réalité est beaucoup plus sombre et amère. Le personnel militaro-politique qui gouverne l’Algérie depuis son « indépendance » en 1962 est toujours le même et il gouverne toujours de la même manière : la corruption, l’abus de pouvoir, la violation des droits et des libertés et la répression brutale.
Dans les faits, les droits des Amazighs, notamment leur langue et leur culture, subissent toujours le déni, la marginalisation, la relégation et l’exclusion. La loi organique prévue par la Constitution de 2016 pour concrétiser le caractère officiel de la langue amazighe notamment en prévoyant les modalités de son emploi dans l’administration, la communication officielle, la justice, sa généralisation dans l’enseignement, etc, a été réduite en 2018 en une loi concernant uniquement la création d’une « académie algérienne de la langue amazighe ». La montagne a accouché d’une souris. La langue amazighe qui a été introduite dans le système éducatif à titre expérimental en 1995 dans certaines régions amazighes et enseignée de manière facultative, reste facultative dans les programmes scolaires 25 ans après. Et profitant de la pandémie du covid-19, le gouvernement algérien a carrément relégué l’enseignement de cette langue au week-end à partir de la rentrée 2020-2021. Cette réforme constitutionnelle n’a donc aucune crédibilité, elle n’est qu’une forme de lifting de la façade gouvernementale destinée à tromper l’opinion internationale.
De fait, les gouvernements algériens inféodés à l’idéologie arabo-islamique n’ont aucune intention de respecter les Amazighs, ni de promouvoir leurs langue, culture, histoire et identité. Tant que la gestion de ce dossier sera entre leurs mains, ils agiront toujours dans le sens de sa marginalisation, jusqu’à sa disparition programmée.
Il est donc impératif que Tamazight comme tous les droits des Amazighs soient portés par des institutions amazighes indépendantes des gouvernements tout en bénéficiant des moyens de l’Etat, comme le prévoient les textes internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme et des peuples.
Paris, 16/10/2970 – 28/10/2020
Le Bureau du CMA