Algérie: le leurre de la loi organique

Algérie : le leurre de la loi organique concernant le statut officiel de Tamazight

 

Après des décennies de luttes et de sacrifices consentis par les Amazighs, l’Algérie a enfin décidé en 2016 de reconnaitre officiellement la langue amazighe.

L’article 4 de la nouvelle Constitution stipule que «Tamazight est langue nationale et officielle. L’Etat oeuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Il est créé une Académie algérienne de la langue amazighe, placée auprès du Président de la République. L’Académie qui s’appuie sur les travaux d’experts, est chargée de réunir les conditions de la promotion de Tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle. Les modalités d’application de cet article sont fixées par une loi organique».

 

Depuis, des organisations de la société civile amazighe ont réclamé l’adoption de cette loi destinée à concrétiser le caractère officiel de la langue amazighe.. Elles attendaient notamment sa pleine considération par l’école, qu’elle soit langue enseignée et langue d’enseignement, qu’elle soit introduite dans l’administration et dans le système judiciaire, que les documents d’identité soient écrits également en Tamazight, qu’elle bénéficie d’efforts budgétaires à la hauteur des besoins de sa promotion et de son développement et qu’elle soit traitée à égalité avec l’arabe, l’autre langue officielle du pays. Mais finalement, une loi organique a bien été adoptée le 2 septembre 2018 mais elle ne porte pas sur la mise en œuvre du statut officiel de la langue amazighe comme attendu, mais seulement sur la création d’une «Académie algérienne de la langue amazighe» (loi organique n° 18-17 du 2/09/2018). Cette loi qui réduit considérablement la portée de l’article 4 de la Constitution mais qui est présentée comme la loi d’application du statut officiel de la langue amazighe est par conséquent une grossière tentative de tromperie de l’opinion publique par le gouvernement algérien.

 

Par ailleurs, le projet de création de cette académie, ses objectifs, la composition de ses membres et sa gouvernance n’ont fait l’objet d’aucune consultation, ni consentement préalable, libre et éclairé des Amazighs. Ce principe du droit international qui découle du droit à l’autodétermination des peuples, a été totalement bafoué par le gouvernement algérien puisque c’est le chef de l’Etat et son gouvernement qui ont décidé seuls, de créer cette académie. Or, les questions qui concernent exclusivement les Amazighs comme leur langue, doivent être décidées par ou au moins avec les Amazighs. Le gouvernement algérien d’obédience araboislamique, n’a aucune légitimité à décider à la place des Amazighs dans les affaires qui les concernent.  De plus, la question de la langue amazighe n’est pas seulement une affaire de «spécialistes», elle concerne le peuple amazigh dans sa plénitude.

 

Par ailleurs la formation de cette institution s’est faite dans des conditions très opaques, ses membres ayant été nommés discrètement par le gouvernement et la loi prévoit que c’est également lui qui met fin à leurs fonctions. Il en découle que cette institution censée promouvoir Tamazight est dépendante du gouvernement, un gouvernement connu pour sa grande hostilité à l’encontre de l’amazighité.

 

Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) qui se range aux côtés des revendications légitimes des Amazighs, dénonce les méthodes non transparentes, anti-démocratiques et clientélistes du gouvernement algérien et son manque manifeste de volonté politique et de sincérité dès lors qu’il s’agit de la question amazighe. Le CMA exige une vraie loi organique de mise en oeuvre du statut de langue officielle pour Tamazight et que les Amazighs soient étroitement associés dans toutes les étapes du processus de mise en pratique du caractère officiel de leur langue.

 

Paris, 6/01/2969 – 18/01/2019

Kamira Nait Sid et Khalid Zerrari, co-présidents