Lettre du CMA et de l'ODTE aux Amazighs de Libye

Lettre au Haut Conseil des Amazighs et au Conseil social suprême des Touaregs de Libye

 

Depuis la fin du régime de Kadhafi, la Libye traverse une situation incontrôlée avec l’apparition d’une multitude de milices armées. La plupart de ces groupes se sont constitués à partir du système dominant mais se livrent à une lutte féroce pour le contrôle du pouvoir. Chaque groupe tente de s’imposer par la force, semant la mort et la désolation.

Dans ce contexte de chaos généralisé, vous, Amazighs du nord et du sud de la Libye, peuple autochtone de ce pays, vous vous êtes mis volontairement à l’écart de cette folie meurtrière, en restant dans vos territoires respectifs. Malgré cela, vous n’avez pas été épargnés par les agressions violentes, subissant des pertes humaines, les déplacements forcés et la destruction de vos biens. Chaque groupe a tenté de vous imposer sa loi, de vous dominer et de faire de vous des étrangers chez vous.

 

Aujourd’hui, ce processus se poursuit sur le plan politique à travers un projet de Constitution décidé sans vous et contre vos droits et vos intérêts. En disposant unilatéralement que «la Libye fait partie de la nation arabe» et que «la langue arabe est la langue de l’Etat» et que pour les autres langues libyennes «on verra plus tard», les promoteurs de ce projet choisissent de maintenir la Libye à l’écart de la marche de l’Histoire. En effet, les autres pays du nord de l’Afrique renouent progressivement avec la dimension amazighe de leur identité après avoir constaté l’impasse dans laquelle les ont plongés des idéologies rétrogrades et totalitaires. Le projet de Constitution qui vous est imposé aujourd’hui, vous marginalise, ignore vos besoins et veut vous maintenir dans un statut de citoyens de seconde zone. Ce projet est par conséquent anti-démocratique, raciste et illégal.

 

D’autres articles de ce projet de Constitution, notamment ceux relatifs aux droits des femmes, à l’accès à la nationalité libyenne et à l’exercice des pouvoirs, ne tiennent compte ni de l’histoire, ni des valeurs socioculturelles des Amazighs, ni de leurs droits fondamentaux en tant que peuple autochtone, notamment leur droit internationalement reconnu «d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes». Aujourd’hui, il est scandaleux et incompréhensible que des milliers de Libyens Kel-Tamacheq soient privés de la pleine citoyenneté libyenne alors que des personnes originaires de pays arabes accèdent quasi-automatiquement à la nationalité libyenne. Il s’agit là d’une discrimination raciale grave et absolument intolérable!

 

Face à un environnement plus que jamais hostile et oppressant, et aux incertitudes liées aux bouleversements géopolitiques dans la région, le Congrès Mondial Amazigh (CMA) et l’Organisation de la Diaspora Touarègue en Europe (ODTE) tiennent à exercer leur devoir de vous alerter et de vous demander instamment d’unir vos forces et de faire front par tous les moyens aux dangers qui menacent votre survie individuelle et collective. Prendre votre destin en main comme le propose le Haut Conseil des Amazighs de Libye qui a décidé d’élaborer et de mettre en œuvre une Constitution propre à vous et à vos territoires et de vous doter de gouvernements locaux, nous semble être la voie à suivre. Cette voie légitime et conforme au droit international, est la seule garante de votre avenir.

 

Le CMA et l’ODTE vous expriment leur soutien fraternel le plus total et se tiennent à votre disposition pour vous appuyer, notamment au niveau international, par tous les moyens légitimes dans la quête de vos droits, de votre liberté et de votre dignité.

 

Tudert i Tmazight g Libya ! Vive Tamazight en Libye

 

Paris, 18/12/2968 – 30/12/2018

P/le CMA                                                                                          P/l’ODTE

Le Bureau Mondial                                                                        Abdoulahi Attayoub, président