Maroc: les autorités veulent-elles embraser le Rif?

Après le décès du jeune poissonnier Mohsen Fikri le 28 octobre 2016 à Taghzut (El-Hocima), dans la région du Rif (nord du Maroc), broyé par une benne à ordures alors qu’il tentait de récupérer sa marchandise jetée dans la benne par la police, des milliers d’habitants de la ville sont sortis spontanément dans la rue pour protester contre ce qu’ils considéraient comme un crime du Makhzen marocain.

Les manifestations populaires se sont poursuivies pendant des mois, pour dénoncer les abus d’autorité, la corruption, les injustices, la marginalisation et le mépris. Au printemps 2017, le gouvernement marocain décide brutalement d’interdire toute manifestation publique à Taghzut et dans toute la région. Il déploie des milliers de policiers, gendarmes et militaires pour occuper la zone et empêcher toute réunion ou attroupement. La police réprime sévèrement toute tentative de manifestation, faisant des centaines de blessés et deux personnes sont mortes dans des conditions suspectes. Des centaines de citoyens ont été arrêtés et placés dans plusieurs prisons de la région. Les personnes considérées comme des animatrices de la contestation ont été envoyées à la prison Okacha de Casablanca distante d’environ 600 Km de Taghzut. La justice marocaine les a ensuite accusées de "complot visant à porter atteinte à la sécurité de l'Etat, participation à des manifestations non autorisées et insultes envers les forces de l'ordre".

 

Le 26 juin 2018, un groupe de 53 personnes détenues dans cette prison, ont été jugées par la Chambre criminelle de la Cour d’Appel de Casablanca qui les a condamnées à des peines de 20 ans de réclusion criminelle pour quatre détenus, 15 ans de réclusion pour trois détenus, 10 ans de prison pour sept détenus, 5 ans de prison pour 10 détenus, 3 ans pour huit détenus, 2 ans pour dix-neuf détenus et 1 an pour deux détenus.

 

Dans la mesure où l’accusation de «complot contre la sécurité de l’Etat» était tout à fait fantaisiste et sans aucun fondement, l’opinion publique s’attendait à des condamnations symboliques et que les détenus allaient être libérés après une année de détention préventive. Mais la justice marocaine aux ordres du gouvernement a choisi d’infliger aux détenus Rifains des peines d’une haute sévérité, sans aucune relation avec les faits tels qu’ils sont connus de tous. Les Rifains n’ont fait que protester pacifiquement contre les injustices et le mépris et pour réclamer que cesse la marginalisation socioéconomique de leur région. Il n’y a absolument rien qui justifie de telles condamnations.

 

Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) dénonce vigoureusement la mascarade judiciaire et la violence de l’Etat marocain contre des citoyens qui n’ont fait qu’exercer leur droit et leur liberté de s’exprimer. En procédant de manière aussi injuste et brutale, le gouvernement marocain veut-il provoquer le Rif ? A quel dessein ? Dans tous les cas, il assumera seul la responsabilité des graves conséquences que cela peut produire dans le Rif et ailleurs.

 

Le CMA interviendra dans les prochaines heures et les jours qui suivent auprès des instances internationales, des autres ONG et des peuples amis afin que toutes les pressions puissent être exercées sur le gouvernement marocain pour libérer les détenus Rifains.

 

Paris, 15/06/2968 – 27/06/2018

Kamira Nait Sid, Présidente.