Yennayer 2968 – 2018
Comme chaque année, au moment où nous célébrons le Nouvel An Amazigh 2968-2018, notre première pensée va naturellement à toutes celles et à tous ceux qui ont subi au cours des années passées et de manière tout à fait arbitraire, les privations, le mépris, le racisme et les discriminations, les violences, la torture, l’exil forcé, la détention arbitraire et la mort.
Nous pensons particulièrement et fortement aux Rifains frappés, insultés, blessés ou tués à Taghzut (El-Hocima) et aux centaines qui ont été arrêtés, torturés, condamnés et ceux qui attendent leur jugement à la prison de Casablanca, loin de leurs parents et de leurs proches. Leur seul tort est d’avoir manifesté pacifiquement leur refus de l’abus de pouvoir et des injustices que leur fait subir l’Etat marocain. Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) salue la résistance héroique des Rifains et de tous ceux qui luttent dans ce pays contre la spoliation des Amazighs de leurs droits à leur langue, à leur culture, à leur terre, à leurs ressources naturelles, etc.
Conformément à sa mission, le CMA poursuivra sans relâche son travail d’information et de sensibilisation des instances internationales afin d’obliger le gouvernement marocain à libérer les détenus politiques Rifains et à cesser sa politique répressive, de marginalisation et d’appauvrissement des Rifains et de tous les Amazighs de ce pays.
Le CMA salue également les Mozabites d’Algérie, dont Kamel-Eddine Fekhar, défenseur des droits de l’homme, qui ont été libérés après deux années de prison sans jugement, en toute illégalité. Le CMA exige la libération des Mozabites encore incarcérés arbitrairement et condamne fermement la dictature algérienne qui met tout en oeuvre pour tuer par étouffement le peuple At-Mzab.
En Kabylie, le plus grand territoire amazighophone d’Algérie, le gouvernement mène une politique de dépersonnalisation et de dévitalisation complétée par l’instauration d’un climat de terreur et de répression qui vise particulièrement les défenseurs des droits de l’homme et les membres des mouvements qui revendiquent le droit à l’autodétermination de la Kabylie. Par ailleurs, les autorités algériennes ont décidé d’interdire la Kabylie à tous les étrangers, y compris les Amazighs des autres pays, de manière à isoler ce territoire afin de permettre aux services de sécurité gouvernementaux d’agir sans témoins. Si elles ne sont pas stoppées immédiatement, les dérives totalitaires du gouvernement algérien sont porteuses de nouvelles déflagrations sociales à brève échéance.
La situation est également très inquiétante dans l’Azawad où le pseudo-accord de paix signé en 2015 et la présence de troupes étrangères de « maintien de la paix », n’a permis ni le retour de la sécurité, ni celui des réfugiés, ni l’amélioration des conditions de vie des populations. En Tunisie, malgré les recommandations de l’ONU, aucun signe n’est donné par le gouvernement en faveur des droits des Amazighs de ce pays. En Libye, il est à craindre que le futur Etat sera comme le précédent, dominé par l’idéologie panarabiste et islamiste et par conséquent pratiquera l’exclusion et la négation de la question amazighe.
La reconnaissance du statut de langue officielle pour la langue amazighe au Maroc (2011) et en Algérie (2016) ne s’est traduite par aucune législation ni acte en faveur de cette langue dans ces deux pays. C’est donc une reconnaissance factice destinée à tromper le peuple et les instances internationales. Pendant ce temps, tous les moyens de l’Etat sont mobilisés pour accélérer le processus d’arabisation des Amazighs.
Dans ce contexte extrêmement hostile, voire même dangereux, les Amazighs ne baissent pas les bras. Partout où ils vivent, ils tentent de défendre leur droit à l’existence et à la dignité. C’est ainsi que le gouvernement algérien a cédé à la pression populaire et aux revendications des organisations de la société civile, dont le Congrès Mondial Amazigh, en reconnaissant Yennayer, Jour de l’An amazigh, comme journée de fête nationale, chômée et payée. Assurément c’est une victoire pour tous les Amazighs. Le CMA recommande vivement aux entreprises, aux collectivités locales, aux associations et aux citoyens, de fêter Yennayer 2968 avec encore plus d’éclat cette année.
Par ailleurs, le CMA qui rappelle que les frontières des Etats du nord de l’Afrique sont un fait colonial, exige l’ouverture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc, l’abolition des visas et de toute forme d’entrave à la liberté de circulation dans cette région.
Le Congrès Mondial Amazigh réaffirme également que le dialogue international ne doit en aucun cas rester le monopole des Etats, excluant les peuples. En conséquence, le CMA réclame une représentation officielle des peuples autochtones et sans Etat au sein de l’Organisation des Nations Unies.
Pour porter ces ambitions fortes, le Congrès Mondial Amazigh souhaite à toutes et à tous une bonne santé, une forte volonté, beaucoup de courage et de détermination pour faire de la nouvelle année, une année riche en nouvelles victoires pour la reconquête pleine et entière des droits, des libertés et de la dignité des Amazighs.
Aseggas ameggaz, ifulkin, yeh’lan, ighudan, icnan, yulaghen…
Bonne année, buen año nuevo, happy new year…
Paris, 1 Yennayer 2968 - 12 janvier 2018
P/le Bureau et le Conseil Fédéral du CMA
La Présidente,
Kamira Nait Sid