Maroc: une vie broyée à Taghzut (El-Hocima)

 Le 28 octobre 2016 à Taghzut (El-Hocima), dans la région du Rif dans le nord du Maroc, Mohsen Fikri, un jeune marchand de poissons, se fait arrêter par la police marocaine et sa marchandise est saisie. Devant lui, les policiers jettent les poissons dans une benne à ordures. Dans un geste désespéré, le jeune homme saute dans la benne à ordures afin de tenter de sauver sa marchandise, son gagne pain. Un des policiers aurait dit au conducteur du camion en arabe : « th’an mmu ! » (broie sa mère !). Le mécanisme de compactage des ordures est alors mis en marche, happant le jeune homme et le tuant d’une manière atroce.

Cette mort tragique n’est pas un fait divers et il n’est pas certain que cela soit un accident. Pourquoi la benne a-t-elle été mise en marche alors que la victime se trouvait dedans ? Pourquoi une marchandise saisie par la police est immédiatement détruite ? Le jeune poissonnier a-t-il refusé de donner un « bakchich » aux agents de police qui en représailles ont saisi sa marchandise ?

 

Ce drame est celui du mépris des détenteurs du pouvoir (policiers, gendarmes, administration, Makhzen…) envers le peuple. C’est également le drame de la pauvreté dans cette région amazighe du Rif qui a été pendant des décennies marginalisée, reléguée, uniquement parce que son peuple refuse la soumission au Makhzen. Par dizaines de milliers dans les rues, les Rifains ne cessent de dénoncer l’injustice et l’impunité et réclament le respect de leur dignité.

 

Le Makhzen cherche déjà à orienter les résultats de l’enquête vers la thèse de l’accident, vers la thèse de la bavure policière, afin que la vérité reste cachée et que l’injustice érigée en système, perdure. Il en est ainsi de cinq citoyens retrouvés morts après un incendie d’une agence de la Banque Populaire de El-Hocima en 2011, au moment des grandes protestations populaires liées au mouvement dit du « 20 février ». Leurs familles et l’opinion publique attendent toujours de connaitre la vérité sur les circonstances exactes de leur décès.

 

Trop souvent au Maroc, des citoyens perdent leur vie en essayant de la gagner. Cela doit cesser.

 

Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) exprime ses sincères condoléances à la famille de la victime et lui exprime toute sa solidarité et sa sympathie. Le CMA exige non seulement la vérité et la sanction exemplaire de tous les responsables de ce drame mais également des mesures concrètes afin que de tels actes ne se reproduisent plus jamais. De même, le CMA réclame un plan urgent pour parvenir dans un bref délai à l’indépendance de la Justice et la fin de la corruption, du mépris et de l’arrogance dont font preuve tous les niveaux de l’exercice du pouvoir administratif et policier au Maroc.

 

Paris, 18/10/2966 – 30/10/2016

 

La Présidente

Kamira Nait Sid